Le s-commerce, est-ce l’avenir du e-commerce ?
Alors que 45 % des Français entre 18 et 35 ans aimeraient pouvoir acheter depuis les réseaux sociaux (source : Havas), ceci n’est pas encore une démarche aboutie en France. En effet, même l’onglet Boutique qui s’intègre aux pages Facebook, un des outils les plus avancés de social commerce, ne permet aux annonceurs que de montrer une sélection de produits sans pouvoir proposer directement le paiement.
Marketplaces, formats publicitaires dédiés aux boutiques en ligne, fonctionnalités shopping… Facebook et consorts ne lésinent pas sur les moyens pour asseoir leur légitimité en matière de S-commerce, s’imaginant déjà en leaders omnipotents.
Les réseaux sociaux, la plateforme e-commerce par exellence
S’il est bien un terme difficile à définir précisément, c’est le S-commerce, contraction de “social” et “commerce”. Certains avanceront que ce n’est ni plus ni moins que le développement des ventes au travers des réseaux sociaux. La réalité est en fait plus subtile.
En effet, il s’agit avant tout de vendre grâce aux interactions entre individus. Or c’est tout un art. L’avènement des réseaux sociaux, carrefours d’audiences et de recommandations en tous genres, a fortement contribué à démocratiser le concept. Enjeu stratégique pour les mastodontes sociaux à l’heure où la crise de confiance s’installe, la diversification devient un impératif ! Et c’est à coup de gadgets technologiques, en multipliant les services dédiés, que les leaders sociaux comptent bien justifier leur légitimé.
Les boutons “acheter”, développés il y a quelques années sur les différentes plateformes, sont désormais complétés par des dispositifs de plus grande envergure, chaque réseau cultivant ainsi son positionnement.
Facebook, véritable expérimentateur à 360°, a lancé une marketplace pour permettre à ses utilisateurs d’acheter et vendre des articles neufs ou d’occasion via des petites annonces.
La firme de Marck Zuckerberg mise également sur des formats publicitaires dédiés aux boutiques e-commerce. Canvas permet aux annonceurs de mettre en avant leur catalogue produit.
Ajoutons la puissance de personnalisation et de contextualisation des supports, notamment pour les annonces dynamiques qui sont d’une grande pertinence dans le cadre d’une stratégie drive to store pour un réseau de magasins physiques.
Instagram, bastion des influenceurs, a pour sa part lancé une nouvelle fonctionnalité baptisée Instagram Shopping pour acheter en un clic les produits repérés sur sa plateforme. L’expérience Shopping sur Twitter, actuellement en cours de tests, devrait s’apparenter aux fonctionnalités proches de Google Shopping. Et Pinterest n’est pas en reste avec “Shop the Look” qui permet aux consommateurs d’acheter les produits qu’ils découvrent sur les épingles. Enfin Snapchat cultive sa singularité avec Shoppable AR qui permet de vendre des produits, d’acheter du trafic ou des téléchargements via les lenses sponsorisées (des filtres animés que vous ajoutez en live sur votre visage)
L’interaction communautaire comme levier de l’achat
Si ces fonctionnalités contribuent grandement à aider les marques à vendre … sont-elles pour autant “sociales” ? Car le fait d’avoir lieu sur une plateforme de ce type, d’ajouter des boutons “like” et des fonctionnalités de partage, ça ne fait pas tout !
Le déploiement des appels vidéo de groupe sur les différentes plateformes (jusqu’à 4 utilisateurs simultanés pour Instagram, jusqu’à 16 utilisateurs pour Snapchat) pourrait ouvrir des nouvelles perspectives. En effet, une des fonctionnalités de ce dispositif permet de faire du co-browsing (navigation simultanée) pendant les appels et pourrait donc tout à fait générer des réflexes d’achats entre amis : on navigue ensemble, on découvre et on s’entraîne dans l’achat. On retrouverait donc ici l’aspect communautaire propre au social commerce avec en prime l’ambiance cozy et l’atmosphère apéro/salon dématérialisée.
Mais il s’agit là d’une supposition. Pour l’heure les meilleurs exemples viennent de la Chine ; rois du e-commerce, connus pour la richesse de leurs plateformes sociales, ils ont su développer de véritables dispositifs S-commerce où l’interaction et les centres d’intérêt des communautés sont déterminants dans l’acte d’achat.” Little Red Book” ou XiaoHongShu est une application destinée aux femmes chinoises de 18 à 35 ans, qui a pour objectif de les aider à découvrir, à connaître et à acheter à l’étranger des produits de marque (principalement des produits de beauté et de santé), généralement difficiles à trouver en Chine.
L’application a commencé comme une plateforme sociale permettant aux voyageurs de partager et de recommander les produits qu’ils ont achetés pendant qu’ils étaient à l’étranger.
La marque a ensuite ajouté une brique e-commerce en montant des partenariats avec les marques étrangères les plus plébiscitées par les utilisatrices afin de les commercialiser sur le territoire chinois.
Le sens de la communauté et la recommandation de produits par une amie sont ici centraux, puisqu’encourageant les ventes. Et tout est fait pour favoriser la cohésion de groupe. En bref, l’application mise sur trois éléments : la confiance, la communauté et la commodité.
Autre exemple : Pinduoduo
Avec plus de 200 millions d’utilisateurs enregistrés en deux ans, c’est l’application chinoise leader en S-commerce. Elle est devenue l’une des start-up à la croissance la plus rapide du pays en croisant les logiques de Facebook et de Groupon.
Le concept ? Les utilisateurs repèrent des ventes en ligne, puis font appel à leurs amis pour acheter les produits à prix réduit. Hautement addictives et d’une grande viralité, les fonctionnalités inédites de la plateforme, comme les tombolas ou le marchandage entre amis, apportent là aussi une véritable dimension sociale à l’acte d’achat, au-delà d’une simple recommandation, du partage avec ses communautés.
Quand l’E-commerce se conjugue comme un réseau social autonome
Mais les réseaux sociaux ne sont pas les seuls à développer le commerce social. Les leaders en e-commerce n’hésitent pas à développer leurs propres fonctionnalités et dispositifs directement.
En Chine, la plus importante des applications sociales, Wechat n’a pas hésité à définir une politique de liens sortants très sévère, notamment en direction des sites e-commerce, afin de garder ses audiences captives on-site. C’est dans ce contexte que Taobao, principal site de vente en ligne, a lancé Weitao, son réseau social axé vente, afin de renforcer la relation entre vendeurs et acheteurs (微淘), Tmall a quant à elle développé FanEr (有范儿).
Loin d’être un effet de mode ciblé sur l’Asie, la tendance gagne aussi l’Occident, à commencer par Amazon qui compte également ajouter une couche sociale à l’expérience d’achat, et par la même occasion, réinvestir dans son “owned media”, (désigne l’exposition dont bénéficie une marque sur les supports qu’elle possède et contrôle).
pour ne plus dépendre uniquement des algorithmes des leaders sociaux. C’est dans cette optique qu’il a annoncé il y a quelques mois le lancement d’Amazon Spark, un « réseau social » hybride, mi-Instagram mi-Pinterest, à destination des adhérents d’Amazon Prime. Son objectif est de permettre aux utilisateurs de mettre en avant les produits Amazon Prime via des UGC (contenus créés par les utilisateurs).
Autre initiative : le lancement d’un réseau social de niche dédié aux utilisateurs de Kindle. Le même processus pour les marques marques qui n’hésitent pas à développer leurs propres réseaux sociaux (là encore pour s’affranchir d’une dépendance devenue trop dangereuse) et multiplient les fonctionnalités pour renforcer l’achat autour du lien social : UGC, chats d’entraide entre consommateurs etc.
Le s-commerce s’expérimente en point de vente
Profitant de toutes les facettes du social commerce, le magasin physique est également en pleine mutation, via les dispositifs drive-to-store des principaux réseaux sociaux d’abord, mais aussi en jouant sur des clins d’oeil sociaux.
Des dispositifs technologiques permettent de créer des espaces phygitaux relationnels : cabines d’essayage à selfie qui offrent la possibilité de partager son look avec ses proches et amis afin de conforter son choix d’achat ; ou encore des étiquettes connectées qui délivrent des avis et de recommandations d’autres consommateurs.
On retrouve également des approches plus évènementielles, où le rôle du vendeur devient central. En somme, un community manager du point de vente.
Car c’est bien dans la globalité qu’il faut appréhender le phénomène. Plus que des lieux de vente, les boutiques deviennent des lieux de vie et de rencontres où le lien humain, les mécanismes d’interactions constituent un enjeu capital. Lionel Meyer, co-fondateur de Luxury Attitude, spécialiste du concept du design de service, définit cela par l’approche “effictionnelle” c’est-à-dire la volonté interne de réaliser une relation client efficace et émotionnelle. “Plus nous entrerons dans l’ère du tout digital, plus l’humain sera important, à la condition qu’il se concentre sur sa principale valeur ajoutée : le relationnel”.
Or le social commerce interroge cette problématique : il s’agit de tisser et d’entretenir du lien, de déclencher une implication, une conversation. Loin d’être une chasse gardée des mastodontes sociaux, le fait de générer de l’interaction entre les usagers dépassera à l’avenir l’usage d’outils et de tactiques isolées pour devenir véritablement mainstream. L’achat et la vente ne seront plus des actions B to C au sens strict, ils impliqueront des intervenants qui seront à la fois, acquéreurs, conseillers, prescripteurs, critiques parfois, mais toujours dans un regard d’évaluation et de partage. Un phénomène qui assurément ne fait que commencer.
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